Le 17 juillet dernier, le Tribunal de Commerce d’Orléans a tranché en faveur du projet Scop pour l’usine Duralex. Cette décision est historique, tant pour l’entreprise elle-même que pour le Mouvement Coopératif. Elle nous enseigne plusieurs choses…
Elle est d’abord le fruit d’un combat.
Contre toutes les idées préconçues et les stéréotypes, tant sur Duralex que sur les Scop, nous n’étions pas nombreux, au démarrage, à croire dans la capacité d’un projet de Scop d’une telle envergure à pouvoir emporter la mise au Tribunal. Les six dépôts de bilan en 15 ans, l’appareil industriel supposé vieillissant, l’état de l’industrie en France, les limitations du modèle Scop, des syndicats non complètement alignés au démarrage, un marché supposément en déclin, la nécessité de trouver un « industriel » pour reprendre (c’est-à-dire répéter une énième fois la formule adoptée lors des quatre derniers dépôts de bilan), les délais trop courts pour les financeurs… Les raisons pour décrédibiliser le projet, invoquées par une large partie de l’environnement de Duralex ont proliféré, le plus souvent sans connaître l’entreprise, son histoire, son parcours, ses forces et faiblesses, les femmes et les hommes qui y travaillent.
Il a fallu un courage et une pugnacité extraordinaires à l’équipe de Duralex, persuadée de la robustesse de leur projet sous forme de Scop, pour faire face à tant d’adversité et remonter la pente jusqu’à présenter un projet reconnu viable et crédible.
C’est un premier enseignement.
Ensuite, dans ce contexte indifférent voire hostile, ce projet Scop Duralex fut aussi le théâtre de l’engagement sans faille et de l’alliance d’une poignée d’acteurs convaincus, dont l’alignement pragmatique fut décisif. D’abord, et avant tout, l’équipe de salarié·es qui a porté le projet, on l’a dit. Mais aussi deux collectivités, la Région Centre-Val de Loire, d’orientation plutôt à gauche, et la Métropole d’Orléans, étiquetée plutôt à droite, qui ont rejoint cette aventure et ont travaillé ensemble pour soutenir ce projet, par-delà les clivages, au service d’un projet industriel robuste et porteur de sens sur leur territoire. Là encore, c’est une expérience précieuse, a fortiori par les temps qui courent.
Enfin, au cœur de cette coalition, le rôle de notre Union régionale des Scop & Scic ICD fut central et moteur. Nos équipes se sont embarquées corps et âme dans ce projet dès son démarrage, malgré de nombreux vents contraires, levant une à une, avec les porteurs du projet de la Scop Duralex, les objections formulées, jusqu’à parvenir en un temps record à construire et présenter un projet gagnant au Tribunal. C’est une grande satisfaction, mais aussi une immense fierté pour nous que d’avoir soutenu et accompagné dès le début ce projet Duralex. Disons-le : ce projet de reprise en Scop n’aurait pas pu se faire sans le travail et l’engagement de l’Union régionale - à laquelle il convient d’associer la Fédération des Scop de l’industrie. Voilà à quoi sert aussi la cotisation au Mouvement Coopératif : à développer le Mouvement, à le faire briller, et à faire émerger des coopératives qui, à l’instar de Duralex, deviennent un étendard pour notre modèle coopératif et pour les valeurs que nous portons !
Car, et c’est la raison pour laquelle nous en parlons dans cet éditorial, c’est un coup de projecteur sans précédent pour notre Mouvement Coopératif qui s’est opéré à l’occasion de cette reprise de Duralex en Scop. Plus d’une centaine d’articles dans la presse régionale et nationale, généraliste et spécialisée, des émissions de radio et podcasts, des reportages, des sujets au JT à heures de grande écoute…
Au-delà de l’entreprise elle-même, Duralex est ainsi le lieu d’une médiatisation et d’une reconnaissance historique pour le modèle Scop, mais aussi pour notre Mouvement Coopératif et pour notre Union régionale des Scop et Scic.
L’enjeu reste entier pour la Scop Duralex désormais. Un enjeu commercial, marketing, pour reconquérir les marchés délaissés ou perdus après 20 années d’errement stratégique. L’équipe des 227 salarié·es est prête, elle est déjà lancée, en témoigne, entre bien d’autres, la campagne dynamique et originale organisée avec Le Slip Français dès le 2 septembre dernier. Les clients, nationaux et étrangers, affluent, intrigués puis convaincus par ce nouveau modèle Scop, et par les verres Duralex, iconiques et inc(l)assables. Il leur faut maintenant transformer l’essai… Mais nul doute qu’après ces mois si intenses, la trajectoire de la réussite est enclenchée. Longue vie donc à Duralex… Et longue vie aux entreprises coopératives, ainsi qu’à notre Union régionale des Scop & Scic ICD !
Vincent Javicoli, Directeur de l'Union régionale des Scop et Scic ICD