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60 ans de créations engagées pour le Théâtre du Soleil

15 11 2024

À l’image des pièces qu’elle met en scène depuis 60 ans, l’histoire de la troupe du Théâtre du Soleil est foisonnante, cosmopolite et engagée. 

À l’occasion de ses 60 ans, nous sommes allés à la rencontre de sa fondatrice, Ariane Mnouchkine, ainsi que de son équipe, toutes et tous mus par une passion commune, le théâtre, et des valeurs fortes ancrées dans la coopération. 

Une utopie devenue réalité : aux origines du Théâtre du Soleil

« Il y avait un rêve au départ mais il nous fallait un cadre pour nous lancer, alors on a tout de suite choisi de se créer sous la forme d’une Scop », se remémore Ariane Mnouchkine, fondatrice et directrice du Théâtre du Soleil, dont le fonctionnement et la longévité sont uniques. La troupe a fêté ses 60 ans en mai dernier.

Le Théâtre du Soleil, c’est l’aventure extraordinaire de huit amis, portés par le désir de créer un théâtre fidèle à leurs valeurs de justice, de fraternité, d’équité, dans un engagement total. En mai 1964, ils fondent donc une Scop, sur le principe de l’égalité de salaire entre tous les membres, sans exception. Un principe qui perdure jusqu’à aujourd’hui, alors que la Scop compte plus de 70 salariés permanents, parmi lesquels une quarantaine de comédiennes et comédiens. « Personne ne savait rien au démarrage, on partait d’une page quasi blanche, on ne connaissait rien ni à l’administration ni à la création artistique. On a tout appris sur le tas, en étant polyvalents, et animés d’une même envie et passion.» 

À l’époque, on compte moins de 600 Scop en France, et une poignée seulement dans le domaine culturel. Pourquoi, alors, ce choix ? « Notre but était de vivre de notre art. Ce que ne permettait pas le statut associatif. On voulait un mode de fonctionnement efficace, qui permette une sorte de centralisme pour prendre les décisions rapidement, et qui évite que ce soit l’anarchie. 

On avait à cœur de traduire l’égalité la meilleure, la plus grande, comme celle de l’égalité de salaire, et enfin on voulait que toute décision qui pouvait mettre en question la vie du Théâtre et de ses membres soit prise en collectif. La Scop répondait à tout cela. »

La troupe monte ses premières pièces. Les Petits bourgeois de Gorki tout d’abord, qui rencontre immédiatement le succès. « Les possibles étaient ouverts en 1964. Tout allait aller bien, dirais-je », évoque Ariane Mnouchkine. « On nous attendait d’une certaine manière, il y avait la place. On était bienvenus pour pas mal de gens. » Suivent Le Capitaine Fracasse, et puis La Cuisine, de Wesker, un triomphe. Plus de 63 400 spectateurs et le Grand prix du Théâtre du Syndicat de la critique. Le Théâtre du Soleil se fait un nom, une renommée, mais il lui manque un lieu pour s’ancrer… Ce sera La Cartoucherie, dans le Bois de Vincennes, où il s’installe en 1970. « Si nous ne l’avions pas trouvée, nous n’existerions probablement plus », résume la metteuse en scène. Cet espace immense et modulable, dont la Scop a fait, depuis, un lieu emblématique, a en effet fortement contribué à garantir la pérennité de la troupe. 

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Traverser les décennies sans se perdre

Soixante ans plus tard, comment cette vision du collectif, ce rêve d’idéal, ont-ils grandi et quelles formes prennent-ils aujourd’hui ? En s’appuyant sur des principes socles, qui font la solidité et la richesse du collectif. « Le Théâtre du Soleil, ce sont environ 75 personnes au quotidien dans la troupe, dont une quarantaine de comédiens, plus les renforts dans les phases de création et d’exploitation, où on peut atteindre une centaine de personnes », précise Charles-Henri Bradier, codirecteur de la Scop. 

« On rejoint le Théâtre du Soleil en sachant pourquoi on vient ici. Il y a des principes non-négociables, comme celui de l’égalité de salaire, par exemple. C’est ce qui fait notre fondement », complète Ariane Mnouchkine. 

Toutes et tous œuvrent à servir un objet commun, celui de l’amour du théâtre, qu’ils et elles soient sur scène, dans les ateliers, à la cuisine, ou au bureau. « Un des principes phare du fonctionnement du Théâtre du Soleil, c’est qu’on est à la fois dans de grandes échelles tout en étant très responsables du concret, du quotidien de la maison. On est un peu chacun les maîtres et les hôtes de ce lieu. Depuis toujours, le bureau du Théâtre du Soleil a vocation à ne pas être que purement administratif, on est aussi vraiment en lien direct avec le public », témoigne Tiphaine de Laurière, administratrice de la coopérative. Ainsi, rien ou presque n’a changé depuis 1964, selon Ariane Mnouchkine : « On est juste plus nombreux, on fait plus attention aux questions de sécurité, on est plus connus, et on a plus de subvention, alors qu’on n’avait rien au démarrage ! »

Garant des principes fondateurs du Théâtre, le socle des associés a été renouvelé et rajeuni ces dernières années, intégrant notamment des salariés fidèles, tout en maintenant la place pour des personnes proches du théâtre depuis sa création, et qui ont un regard bienveillant sur son fonctionnement. 

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Le collaboratif, clé de voûte du collectif

Si les grandes orientations stratégiques et politiques sont décidées au sein d’un périmètre plus restreint, au quotidien, « les prises de décision se font au cours des réunions de compagnie », selon Charles-Henri Bradier. « Il y a le groupe des associés, bien sûr, mais les décisions importantes qui concernent la vie de la troupe sont prises par tout le monde. Charles-Henri et moi-même pouvons être amenés à arbitrer parfois, mais généralement, après discussions et explications, on arrive au consensus, en portant toujours une attention au respect des expressions minoritaires. » précise Ariane Mnouchkine. « Faire vivre la démocratie, ce n’est pas simple ! On vote presque toujours à main levée sauf en de rares moments plus délicats, où on fait à bulletin secret. Et quand une décision est votée avec une majorité très courte, on trouve un compromis. Mais au quotidien, on ne passe pas tant de temps que ça à cela ». « En période de création comme actuellement » illustre Tiphaine de Laurière, « nous avons des réunions hebdomadaires voire quotidiennes avec Ariane [Mnouchkine], où la parole circule très librement. Les échelles de discussion des équipes peuvent aller des habitudes alimentaires, de l’organisation des chantiers, à des décisions sur le rythme d’exploitation à la Cartoucherie ou sur les tournées à l’étranger. 

On se retrouve finalement dans le très concret du quotidien et au cœur de considérations sur la place de l’art dans la société. Et en compagnie de l’ensemble des personnes salariées ». 

Une approche collaborative qui met en totale adéquation les principes du fonctionnement coopératif avec le travail de création artistique au sein de la troupe.

Ainsi, les créations du Théâtre sont toujours pensées collectivement, dans un premier temps, y compris jusque dans la construction de la mise en scène, ou encore la réalisation des prototypes et maquettes des décors et costumes. Pour le dernier spectacle, Ici sont les Dragons, que la troupe jouera à partir de fin novembre 2024, un travail de recherches documentaires conséquent a été nécessaire au préalable. Chacune et chacun y a pris part.  

« Tout est collaboratif, c’est la base même du travail ici », résume Charles-Henri Bradier. 

Une approche plurielle qu’on retrouve jusque dans le fonctionnement polyvalent des salariés. « Il y a toujours la possibilité, comme cela s’est déjà fait par le passé, que des comédiens, qui ne trouvent pas leur place sur le plateau au cours d’une création, viennent en appui au bureau, pour les relations avec le public, par exemple. On garde une approche globalement collective, en faisant appel à la richesse et à la diversité des compétences réunies au sein de la Scop », ajoute le codirecteur. 

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Crédit : Sybille Pavageau - Archives Théâtre du Soleil - répétitions Ici sont les dragons 

Un cas unique de longévité artistique : se projeter collectivement dans l’avenir

Depuis 60 ans, Ariane Mnouchkine incarne, avec exigence et générosité, le Théâtre du Soleil et son fonctionnement singulier. Alors, comment se projeter collectivement dans l’avenir au-delà de cette figure tutélaire ? La question de la transmission est intrinsèque aux Scop, elle est inscrite dans leur ADN. C’est le cas également pour le Théâtre du Soleil : 

« Il y a toujours eu du renouvellement ici. La confiance qu’Ariane a toujours donné à la jeunesse, c’est ce qui dynamise la Scop »,

 souligne Charles-Henri Bradier. Quand on entre dans la grande famille du Soleil, difficile de s’en détacher… « Notre équipe est très diversifiée, du plus jeune qui a 23 ans jusqu’à plusieurs salariés qui aujourd’hui sont en effet à la retraite mais continuent de travailler, à l’administration, à la couture, ou encore sur le plateau. » 

Une transmission anticipée, également, avec la mise en place d’une co-direction depuis 2009. Charles-Henri Bradier a ainsi repris, progressivement, les sujets financiers et partenariaux. Une façon de rassurer, aussi bien en interne que vis-à-vis des pouvoirs publics et des financeurs, sur la pérennité du Théâtre au-delà d’Ariane Mnouchkine.

Une transmission qui s’incarne artistiquement, enfin. La nouvelle création, Ici sont les Dragons, est une immense fresque historique qui tentera de répondre à la question de la naissance des totalitarismes au XXe siècle et de la fabrication des guerres du XXIe siècle. Un thème on ne peut plus actuel, et pleinement inscrit dans l’engagement constant du Théâtre à traiter des grandes questions politiques et humaines, sous un angle universel. Une création pensée en trois volets : la première époque, qui sera créée ce 27 novembre, revient sur l’année 1917 en Russie ; la deuxième époque, qui sera créée en 2025, traitera de la deuxième guerre mondiale ; la troisième époque, plus contemporaine, nous mènera jusqu’au 24 février 2022, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La création de ce troisième volet, prévue en 2026, sera confiée à un metteur en scène invité, comme pour amorcer, concrètement, l’après. « La transmission s’effectue presque naturellement, par la présence concomitante, au sein de la Scop, de fondateurs, de membres historiques et de toute jeunes recrues. Cela se traduit également sur le plateau, métaphoriquement, poétiquement. Ces questions sont riches d’enseignement, y compris pour l’art du théâtre », conclut Charles-Henri Bradier. 

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Pour illustrer sa vitalité, quoi de mieux qu’une nouvelle création ? 

Alors, pour ses 60 ans, Le Théâtre du Soleil jouera Ici sont les Dragons, Première Époque : 1917, la Victoire était entre nos mains, à partir du 27 novembre 2024 à La Cartoucherie (Paris XIIe). Les représentations sont prévues jusqu’au 13 avril 2025. 

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Par ailleurs, une édition augmentée de l’ouvrage de Béatrice Picon-Vallin, Le Théâtre du Soleil, Les cinquante premières années, paru en 2014 chez Actes Sud, sera publiée avec un cahier additionnel de 90 pages portant sur la période 2014-2024. Il sortira en janvier sous un nouveau titre : Le Théâtre du Soleil, Les soixante premières années. 

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